27 Nov

la quete du bateleur

Publié par Llewllaw - Catégories : #Illustrations Tarot

Aithirne était le principal personnage de cette nouvelle que j'ai écrite il y a trois ans pour illustrer la carte du tarot le bateleur.

En voilà le début :

I Le Mage

Aithirne Craig

« Accablé par tant de désastres, malmené par le destin, je mettrais volontiers ma vie en jeu, pour l’amélioré ou la perdre. »

Shakespeare, Macbeth

An 3843 après Denin

Son crâne était lourd. Il devait à chaque instant supporter d'incroyables migraines, et cela depuis qu'il avait quitté Jakarna, la capitale de Raneï, le plus riche, le plus puissant et le plus prestigieux de tous les royaumes du nord du continent.

D'une main morne, Aithirne Craig poussa les battants vermoulus de la taverne miteuse, d'un village plus misérable encore que cette dernière.

L'air y était âcre, empli de l’écœurante senteur de sueur et de mictions de ses occupants.

Cela faillit presque le dissuader de rentrer. Il s'était habitué au doux parfum de l'encens et des huiles capiteuses que la cour du roi faisait venir à grand frais des lointaines terres du sud.

Cependant, il n'était pas né dans ce luxe, et ne le retrouverait certainement plus.

Pour l'instant, il devait se nourrir, aussi tentante soit l'idée de se laisser mourir de faim, surtout si c’était pour se restaurer dans une gargote malodorante.

Il entra.

Le silence se fit.

Ici, on n’aimait pas les étrangers, surtout s'ils étaient sorciers, et il l'était visiblement avec sa robe rouge d'élémentaliste du feu et ses tatouages de nécromanciens sur les bras, cela ne faisait aucun doute.

Il aurait du être prudent, se faire moins remarquer. On brûlait encore des mages dans certaines régions reculées, mais il n'en avait cure. Que ces pauvres fous essayent seulement de s'en prendre à lui et ils verraient ce qu'était un mage du roi de Raneï!

Un ancien mage du roi, ce reprit-il.

Sans tenir compte des regards qui pesaient sur ses épaules, il alla s'asseoir dans un coin, où il espérait avoir une certaine tranquillité.

Une serveuse aux joues flasques et au tablier douteux vint lui demander ce qu'il désirait.

-Je suppose que vous n’avez pas de soda allégé. Le regard de la serveuse reflétait une parfaite incompréhension.

-Comme boisson vous avez quoi ?

-Du cidre ou du cidre.

-Va pour du cidre et un plat du jour, il passa commande sans prendre plus en compte ce que lui racontait cette femme sur les pommes de terre, dans un patois que de toute manière il avait du mal à comprendre.

Un vieux mendiant vint se joindre à lui. Le terrible regard améthyste qu’Aithirne lui lança ne l'en dissuada pas. Le vieil homme se pencha vers lui et commença à lui murmurer :

-Elle vous vampirise, trop la regarder c'est mourir.

Mourir ! Que ce mot semblait doux à l'oreille du mage. Il y pensait, en gravant de ses ongles aiguisés des signes cabalistiques à la surface de la table crasseuse. Il se décida finalement à écouter ce vieux dément.

-C'est que je la connais bien, vous savez ! Continua-t-il de sa voix chevrotante. J'ai maintes fois eu à faire à elle durant ma longue vie et je sais qu'il faudrait avoir totalement perdu la raison pour s'en prendre à elle.

-Tiens donc ! Dit le mage sans prendre la peine de se faire discret.

Toute l'assemblée se tourna vers Aithirne. Sa voix était si grave et si suave qu'elle surprenait. Elle ne semblait pas appartenir à un tout jeune homme.

Il la devait aux invocations, aux sortilèges. On disait parfois qu'on pouvait reconnaître un sorcier de cette manière. Et cela confirma les craintes des villageois, il faisait donc bien parti de cette bande d’hérétiques, assassins et profanateurs de tombes.

Le mage lança à la ronde un regard dangereusement dédaigneux qui retira aux clients toute envie d’y redire cependant.

-Elle est la peur elle-même, je vous le dis, s'écria brusquement le vieillard.

-La peur dites-vous ? Cela me parait difficile, après tout, la peur… c’est moi !